Mon mariage grec

Hé, attendez, j'ai jamais dit que j'étais allé en Grèce dans le but de me marier!
Je suis parti pour le boulot! Mais bon, un voyage d'affaires peut se révéler extrêmement dangereux, et les risques sont multiples. Je trouve d'ailleurs qu'ils devraient me payer des primes de risque.

Bon, il faut savoir qu'à Athènes, le risque le plus sérieux n'est pas la Moussaka, mais le Taxi.
Pour rentrer à mon hôtel après une épuisante journée de réunions, j'ai sauté dans la première voiture jaune venue.

Le chauffeur était extrêmement sympathique. C'est à dire beaucoup trop sympathique. Comme le sont tous les fanatiques de football qui ne peuvent même pas imaginer que la terre entière, à commencer par moi, ne partage peut-être pas leur passion, et qui croient vous impressionner en vous parlant des résultats du club de votre ville natale.

Tiens, ça me rappelle ce serveur enturbanné d'un restaurant indien de Londres, lui aussi très sympathique, qui sortait des cuisines toutes les dix minutes pour venir m'annoncer le score de je ne sais quel match de cricket. A moi! Entre tous les clients du restaurant!
Non, mais franchement, est-ce que j'ai une tête d'amateur de sport, ou quoi? Et de cricket encore bien!
J'ai fini par lui avouer que je venais du "continent", et que le cricket, je n'y connaissais absolument rien. Ses yeux se sont voilés d'un regard triste l'espace d'un instant, mais il s'est immédiatement ressaisi et à entrepris de m'expliquer les règles de ce noble sport dans les détails. Tout ce que j'en ai retenu, c'est que les règles du cricket sont très complexes, et nécessitent des explications très longues.

Mais je m'égare. Le taxi, lui, était supporter de foot (au moins, je connais à peu près les règles du foot). Il a du supposer que j'étais français, parce qu'il m'a passé le DVD de la finale de coupe d'Europe de 2004 où la Grèce a battu la France.
Ouaip, la dernière mode dans les taxis d'Athènes, c'est le lecteur DVD sur le tableau de bord. Une grande avancée en matière de sécurité routière.
Il regardait l'écran et me commentait le match en conduisant à 80 dans les rue étroites d'Athènes, tout en passant quelques coups de téléphone pendant les moments calmes du match.
Moi, j'étais trop nerveux pour regarder l'écran. Soit, je regardais la route d'un air paniqué, soit j'avais carrément les yeux fermés.

Alors, j'ai eu la brillante idée de lui dire que j'étais Belge. J'ai cru que ça allait le faire.
Mais le salaud s'est arrêté, il est allé fouiller dans son coffre, où il avait toute une collection de DVDs et il m'a retrouvé une vieille finale de coupe d'Europe avec l'équipe belge. Je ne savais même pas que la Belgique était allée un jour en finale.

En désespoir de cause, je lui ai avoué que j'en avais pas grand chose à cirer du foot.
Alors ce con m'a raconté qu'il était fana de Subutto (un jeu de foot de table) et il m'a sorti un DVD avec le championnat du monde de Subutto, et il a tenu lui aussi à m'expliquer toutes les règles. J'ai même appris que l'équipe belge de Subutto était une des meilleures d'Europe.

Moralité, contre le fléau des supporters de sport, je crois qu'il n'y a pas grand chose à faire.
C'est comme pour la cigarette. On finira bien par décréter une loi pour bannir les discussions sportives des lieux publiques. Je crois qu'il faudra en passer par là.

Tout ça pour vous dire qu'en arrivant à l'hôtel, j'avais grand besoin de boire quelque chose de fort.

Aussi, quelle ne fut pas ma surprise quand -à peine entré dans le hall, une charmante hôtesse s'approcha de moi avec un plateau chargé de verres aux couleurs appétissantes!
Un souhait qui se réalise d'aussi parfaite manière, ce n'était assurément pas normal, mais j'étais trop crevé pour faire preuve du moindre esprit critique.

Dans le hall de l'hôtel, il y avait une foule de gens bien habillés qui papotaient gaiment. Il y avait aussi des gens en train de filmer quelques personnages à l'air particulièrement officiel.
Je me suis dit que l'hôtel célébrait l'anniversaire de son ouverture, ou quelque chose dans le genre, que les autorités et la télé locale avaient été invitées, et qu'ils avaient aussi décidé d'en faire profiter les clients.
Comme je n'avais rien de spécial à faire le soir, j'ai décidé de rester un peu et d'en profiter moi aussi.

Les hôtesses nous invitèrent bientôt à passer dans une salle au sous-sol. Des tables chargées d'amuse-gueule y étaient dressés, une scène était prête comme pour accueillir un concert, et des verres pleins continuaient à se matérialiser devant moi plus vite que je n'arrivais à les vider. Décidément, cet hôtel faisait bien les choses.

Comme je ne connaissais personne dans l'assemblée, je me baladais au hasard, mon verre à la main, harponnant de temps en temps un zakouski sur un plateau, tout en laissant mon esprit vagabonder sur les sujets les plus divers et les plus farfelus.
Par exemple, à ce moment, j'étais agréablement surpris de constater que la sono jouait un morceau des Pixies, et je me faisais la réflexion que j'avais une certaine tendresse pour ce groupe (s'ils m'entendaient dire ça, je crois que ça ne leur plairait pas trop, aux Pixies!). Pas tellement à cause de leur musique, qui est d'ailleurs plutôt bonne, mais surtout parce qu'ils ont eu la brillante idée de sortir un album intitulé "Death to the Pixies". Oui, je crois que si les Beatles avaient fait un disque "Death to the Beatles", ce serait définitivement le meilleur groupe de l'histoire du rock. Tandis que maintenant, il subsiste un doute. C'est vraiment le disque qui leur a manqué, en fait, aux Beatles.

J'en était là de cette analyse musicale particulièrement pertinente quand une charmante jeune femme rousse s'est approchée de moi.
Elle a commencé par me parler en grec. Quand j'ai fait mine de ne pas comprendre, elle a eu d'abord l'air surpris, puis est passée naturellement à l'anglais.

- Je suis très heureuse de faire votre connaissance. Est-ce que vous vous amusez?

- Oui, beaucoup, je vous remercie. Cette petite fête est très réussie. (En réalité, je m'emmerdais un peu, mais grâce à ce que j'avais déjà éclusé et à la musique des Pixies, je commençais à voir la vie en rose, couleur du cocktail sur lequel je m'étais fixé).

- Je suppose que vous êtes un ami d'Argiris?

Ah, c'était donc pour ça qu'elle m'approchait. "Argiris" était le prénom de la personne avec qui j'avais passé la majeure partie de la journée à discuter. Cette fille devait aussi travailler pour notre client, bien que je ne l'aie pas remarquée dans les bureaux. Je devais être prudent.

- Ami n'est peut-être pas le terme exact, mais je crois qu'on a fait du bon travail ensemble. Vous me remercierez, vous verrez. Vous savez qu'il ne voulait pas s'engager au départ? J'ai eu beaucoup de mal à le convaincre. Nous avons du relire tout le contrat ensemble, point par point. Il ne croyait pas que cette relation puisse durer sur le long terme et voulait mettre toutes les assurances de son côté. Mais maintenant, je crois qu'il est convaincu qu'on lui a mis un bon marché entre les mains, et que l'opération est rentable. Vous verrez, tout va bien se passer.

Je n'avais pas l'impression d'avoir gaffé, mais la jeune femme m'a regardé avec des yeux tout ronds, puis s'est détournée subitement et s'est éloignée vers un gros moustachu.

A son tour, il s'est approché de moi l'air plutôt mécontent. Qu'est-ce qui allait encore m'arriver? Ca commençait à bien faire.
Il s'est aussi adressé à moi en grec. Ca donnait quelque chose comme ça:

- είστε ένας των μουσικών?

- Sorry but I don't speak greek.

- είστε ένας των μουσικών? (la même chose, mais plus fort).

- Hé, c'est pas la peine de me crier dessus avec ton haleine de calamar à l'aïl, je t'ai dit que je ne parlais pas grec, Ducon! (plus fort aussi, mais en français, par mesure de précaution).

Comme nous avions élevé la voix, plusieurs types se sont retournés et se sont mis à me regarder de manière pas très amicale.
A ce moment, j'ai décidé que j'avais assez profité de la fête, j'ai tourné les talons, et je suis remonté dans le hall de l'hôtel.

Comme je commençais malgré tout à me poser des questions, j'ai intercepté un serveur que j'avais déjà vu derrière le bar.

- Excusez-moi, ça veut dire quoi, un truc du genre "ε$στε @νας τ*ν μου%ικ#ν"?

- Ah, vous voulez dire "είστε ένας των μουσικών"? On pourrait traduire ça par "est-ce que vous faites partie des musiciens?". Je crois qu'ils ont commandé un groupe de musiciens, en bas, mais qu'ils ne sont pas encore arrivés bien qu'ils devraient être là depuis longtemps.

- Dites-donc, j'ai comme un doute. Là en bas, je parie que c'est pas l'anniversaire de l'hôtel qu'on fête?

- Mais non, monsieur, c'est un mariage.

- Aaaah oui. Alors, la jeune femme rousse en robe blanche, c'est...

- La mariée, oui.

- Et le gros moustachu qui sent l'aïl, c'est...

- Le père de la mariée.

- Et donc, je parie qu'Argiris est le marié!

- Vous avez tout compris.

- Est-ce que "Argiris" est un nom courant en Grèce?

- Assez oui.

- Je vois. Dites, je suppose qu'il y a un mini-bar dans ma chambre?

- Bien sûr, monsieur, il y en a un dans chaque chambre.

- Alors, je crois que je vais monter me coucher. Bonsoir.

- Bonsoir monsieur.

Dalloway

Les amis, il vient de m'arriver une chose terrible!
Mais que je commence par vous énoncer une série de faits objectifs.

Là, je viens de terminer Mrs Dalloway, et j'ai trouvé que c'était un chef d'oeuvre.
J'ai été plongé dans une ambiance vraiment particulière. Une sorte d'urgence immobile, comme un instantané pris juste avant la fin du monde.
On dirait que tous ces personnages ne savent pas qu'ils sont en train de vivre leurs derniers instants. Mais les événements insignifiants auxquels nous assistons prennent du coup une importance infinie.
Seulement, la catastrophe ne se produit pas. Il ne reste que le malaise causé par une appréhension injustifiée.
Il y a du Shakespeare dans le 'flow' de Virginia Woolf, sauf que Shakespeare écrit des tragédies, alors que Woolf écrit 'entre' les tragédies (ça ne veut rien dire, hein?). Et quand un drame se produit, il est simplement emporté dans le tourbillon désabusé des événements mineurs qui trament nos vies. Mais alors de quoi nos vies sont-elles réellement faites, et quelle en est la valeur? Voilà les questions que suscitent chez moi cette lecture.

Mais alors, rien de très inquiétant, me direz-vous?
Sauf que ce n'est pas tout. Il y a d'autres faits.
- Ma précédente lecture, "Jane Eyre", m'a passionné.
- Avant ça, j'avais été profondément ému par "Breakfast at Tiffany's".
- J'ai donné 5 étoiles à "La cloche de détresse", et seulement 4 au "Seigneur des Anneaux".
- Je préfère un livre de l'obscur poète William Cliff à "Fight club" de Palahniuk (Tiens, en voilà un nom idiot).
- J'ai maintenant envie de lire le livre d'Emily Brontë.
- J'ai pleuré en lisant "Le saule" de Selby.
- Je préfère lire que regarder le foot à la télé.

Je pense donc que les faits sont là, et qu'une conclusion s'impose, et que ce n'est pas le fait que j'aie des poils sur les seins et que j'aime la bière qui pourra mettre à mal cette implacable démonstration : il semblerait que peut-être... je sois en réalité... une femme!

Vous imaginez le choc que m'a causé cette découverte?
Bon, après réflexion, c'est un grand changement pour moi, c'est sûr, mais j'ai une grande faculté d'adaptation. Et puis j'ai toujours été en faveur de l'égalité des sexes (une sorte de prémonition?).

J'étais donc en train de m'habituer tranquillement à mon nouvel état, quand une autre réalisation m'a frappée de plein fouet.
En effet, si je considère que:
- J'ai envie de serrer Sylvia Plath dans mes bras.
- J'ai des projets de meurtre par empoisonnement sur le mari et l'amant d'Emma Bovary.
- J'ai envie de lécher Holly Golightly partout.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais moi, je crois bien que je suis lesbienne.

Bon, je suis pour le respect des préférences sexuelles, mais rendez-vous compte: moi qui, jusqu'il y a peu, était convaincu(e) d'être un mâle hétérosexuel, voilà qu'il me faut maintenant m'assumer en tant que femme homosexuelle. C'est trop pour un seul homme! Enfin pour une seule femme! Enfin vous me comprenez!

En plus, ce changement n'a pas eu de conséquences que sur mon équilibre mental.

En effet, en apprenant cette nouvelle, ma maîtresse m'a quitté.
Elle dit que l'idée de coucher avec une femme la dégoûte.
C'est vrai que, maintenant que j'y pense, je l'ai toujours trouvée un peu étroite d'esprit.

Ma femme, elle, dit qu'elle ne voit pas la différence. Mais c'est vrai qu'il pourrait me pousser un troisième bras et une seconde tête pendant la nuit qu'elle ne remarquerait probablement pas la différence non plus.

Vous pensez bien que tout ça génère chez moi un certain nombre de questions existentielles:
- Est-ce que le prénom Zaphod convient pour une femme, ou est-ce que je devrais en changer?
- Est-ce que je dois demander à mes filles de m'appeler "maman" au lieu de "papa"?
- Est-ce que je dois acheter cette charmante petite jupe que j'ai vue chez Desigual, mais que je trouve un peu chère?

Ma soeur dit que peut-être je ne devrais pas conclure trop vite et qu'il subsiste un doute, que je devrais passer des tests. Elle dit qu'une vraie femme aurait probablement hésité longtemps pour la jupe, mais qu'elle ne serait certainement pas sortie du magasin sans l'avoir achetée.
Elle a raison. Elle est toujours de bon conseil, ma soeur.

Voilà ce que je vais faire: je vais maintenant lire un livre de science fiction avec des vaisseaux spatiaux, des canons laser, des robots, des aliens dégoûtants et belliqueux, et si j'aime bien, c'est que peut-être je suis quand-même un homme après tout.
Mais vous savez, je me demande si c'est bon pour moi de lire Virginia Woolf.

Tourner la page

Aussi loin que je m'en souvienne, j'ai toujours dessiné.
J'ai vécu une enfance solitaire, et le dessin, plus encore que la lecture, m'a apporté des heures d'évasion et d'oubli de ma morne vie.
Encore aujourd'hui, bien que je sois marié, cette activité, qui au fil des ans m'est devenue une habitude solidement ancrée, peut-être même un besoin vital, m'apporte une certaine sérénité, et il m'arrive souvent de m'enfermer des heures durant dans mon cabinet de travail avec pour seule compagnie mes plumes, mes flacons d'encre et mes crayons.

Du moins, cela m'arrivait encore il n'y a pas si longtemps. Mais écoutez plutôt.

Je crois que la pratique assidue de cet art a développé chez moi certaines facultés qui sommeillent probablement en chacun d'entre nous. Je pense posséder un don peu commun de l'observation. J'ai l'impression de voir des choses que d'autres ne voient pas, des lignes de force, des textures, des profondeurs, des relations et des tensions insoupçonnées entre les objets.
Je trouve mon inspiration et mes sujets dans cette manière particulière de regarder, et je n'éprouve donc pas le besoin d'exercer mon art en dehors de mon cabinet de travail.

Pour vous donner l'exemple le plus frappant, le sol de cette pièce est recouvert d'un carrelage marbré. Eh bien, j'ai trouvé dans ses marbrures et ses dégradés de couleurs plusieurs sujets qui se sont retrouvés projetés en encre de chine sur le papier. J'ai par exemple une scène de chasse dont je suis assez fier, qui m'a été inspirée par le troisième carrelage à gauche de la porte.

Mais parmi ces différents motifs, il en est un que je n'ai jamais réussi à capter correctement.
Il s'agit de l'esquisse d'un cheval cabré, qui apparait très clairement sur le carrelage juste devant la fenêtre.
Ce cheval, avec la beauté que seuls la nature ou le hasard peuvent approcher, dégage une exceptionnelle impression de vie, de mouvement, de force alliée à la délicatesse. On a l'impression que son geste traduit à la fois de l'effroi face à un danger, et la volonté inébranlable de faire face et de combattre. Les traits sont à la fois légers et puissants, précis et suggérés.

Au fil du temps, j'avais acquis la conviction que ce dessin fantôme représentait un idéal, et que le jour où je parviendrais à le transposer sur papier tout en rendant fidèlement mes impressions, j'aurais enfin atteint la plénitude de mon art.

Or, il se passa un phénomène bien étrange. Un jour, je fouinais dans la boutique d'un bouquiniste de la ville proche, à la recherche d'ouvrages d'art. Je feuilletais au hasard un livre contenant des gravures d'un artiste italien inconnu de moi, mais à la technique intéressante.
C'est alors que je suis tombé en arrêt. Dans ce livre se trouvait l'exacte reproduction de mon cheval cabré. J'avais passé tellement d'heures à le regarder et à essayer de le reproduire que je ne pouvais avoir le moindre doute. C'était bien lui, et représenté avec le sentiment exact que je cherchais en vain à capter depuis si longtemps.

J'avais l'impression confuse qu'un des secrets de cette discipline se dévoilait enfin à moi de la plus curieuse des manières. Inutile de dire que j'ai acheté l'ouvrage, malgré son prix exagéré, et me suis hâté de rentrer. J'étais impatient de placer le dessin à côté de son modèle, peut-être dans l'espoir inavoué de déjouer une ressemblance qui paraissait par trop extraordinaire.

Sitôt passé la porte, je me précipite dans mon étude, mais à ma stupéfaction, il m'est désormais impossible de discerner le cheval dans le carrelage près de la fenêtre.
Complètement déstabilisé, je pense néanmoins à appeler mon épouse pour essayer de tirer ce mystère au clair.

- Ecoute, chérie, tu vas trouver ma question étrange, mais veux-tu me dire si on a remplacé un carrelage de cette pièce durant mon absence?

- Un carrelage? Mais bien sûr que non. Pourquoi voudrais-tu que je fasse remplacer un carrelage? D'autant plus que je n'entre presque jamais dans cette pièce.

- Alors, aurais-tu par hasard une idée pour expliquer la disparition du cheval qui était représenté précisément sur ce carrelage-ci?

- Mais quel cheval, chéri? C'est un carrelage marbré, il n'y a jamais eu de dessin dessus.

- Mais si! Enfin, pas exactement un dessin, plutôt un assemblage de lignes en filigranes qui... euh... Attends! Ne bouge pas, je vais te montrer, je parie que tu vas reconnaitre ce cheval...

A ce moment, je me saisis du livre, le feuillète d'abord rageusement, puis plus méthodiquement.
Mais dans le livre aussi, impossible de trouver le moindre cheval.

J'ai prié mon épouse de m'excuser en disant que j'avais sans doute rêvé. Que pouvais-je faire d'autre? Mais au fond de moi, je savais que tout cela était vrai. Que le cheval avait existé, existait peut-être encore dans une autre réalité.

Depuis ce jour, j'ai perdu toute inspiration, je n'arrive plus à réaliser un dessin qui me satisfasse.
Et j'ai peu à peu complètement abandonné cet art.