Little princess, of Brooklyn - 3


Première, deuxième parties.

- Dis-donc, Strelli, qu'est-ce que tu crois que t'es en train de faire ?

- Je rentre chez moi, patron, il est sept heures.

- Quoi ! Tu ne quittes pas le bar avant que tout soit en ordre. Il y a un nouveau fût de Guinness à mettre en perce, il reste des verres à laver, et tu dois faire la caisse.

- Jane s'en chargera, patron. J'ai fait mes heures et ma fille va m'attendre.

- Pas question, c'est pas à Jane de faire ton boulot. La presse du matin va commencer et elle aura autre chose à foutre.
Et ramène pas ta gosse sur le tapis : c'est pas mon problème.
Si t'étais pas aussi nul, ta femme t'aurait pas quitté et tu serais pas obligé de laisser ta gosse toute seule la nuit. Tu sais quoi ? T'es vraiment le roi des cons, Strelli. J'ai jamais compris ce qu'elle t'avait trouvé, ta femme ; avec son beau petit cul, elle aurait pu se taper n'importe qui.

- Vous n'avez pas le droit de me parler comme ça !

- Tu te trompes, mon vieux. J'ai absolument tous les droits. Si t'es pas content, il y en a dix qui attendent pour prendre ta place. Tiens, tu devrais me remercier de garder un type comme toi ; le business marcherait bien mieux si j'avais un barman un peu capable.
Tu sais pourquoi je te garde, Strelli ?

- Non vraiment, je me le demande, patron.

- A cause de ta femme Strelli. Si tu te retrouvais à la rue, elle serait obligée de payer pour la gosse, et ça n'arrangerait pas mes affaires, parce qu'elle augmenterait encore ses tarifs. Et moi, j'ai pas envie que son beau petit cul devienne trop cher, j'ai encore envie d'en profiter, hahaha.

- Espèce d'ordure !

- Reste à ta place, Strelli ! Chacun à sa place. Toi, tu continues à bosser en fermant ta gueule, et moi, je continue à baiser ta femme, haha !
Allez, casse-toi, maintenant, je t'ai assez vu.

Tony a attrapé son manteau et est sorti dans la rue. Il a choisi de rentrer en marchant, ça lui calmerait les nerfs.
Vraiment, il rêvait de lui écraser la tête, à cette ordure, mais il ne pouvait rien faire, rien ! Il avait besoin de ce job. Et il savait que son patron le garderait, ça l'amusait trop de l'humilier, il ne se priverait jamais de ce plaisir. Il avait bien cherché ailleurs plusieurs fois, mais c'était vrai, les gens se battaient pour le moindre boulot sous-payé. Tout ce qu'on pouvait trouver, c'étaient des emplois éreintants, comme docker, ou dangereux, comme laveur de vitre. Finalement, le boulot de serveur était assez peinard. Le patron n'était pas très souvent là, et il s'entendait bien avec Jeanne.

Le pire, c'est qu'il avait raison, son patron. Il était vraiment le roi des cons.
Comment est-ce qu'il avait pu laisser les choses si mal tourner avec sa femme ?
Quand ils s'étaient connus, il était encore étudiant à la Fac. Il était sûr de lui, l'avenir était plein de promesses. N'empêche, le jour où il l'avait demandée en mariage, il avait été tout surpris et un peu gêné qu'elle dise oui ; comme s'il s'appropriait une chose à laquelle il n'avait pas droit. C'était une sorte d'apothéose ; après ça, les choses n'avaient fait qu'empirer. Il avait raté ses examens et perdu sa bourse. Sa mère était morte. Il avait du chercher du travail, mais sans diplôme, il ne trouvait que des travaux lourds, et il n'était pas fait pour ça. Il avait bien essayé de suivre des cours du soir, mais il rentrait tellement épuisé du boulot qu'il était incapable de se concentrer. Sa femme avait d'autres rêves, et si elle l'avait soutenu au début, il avait senti qu'elle s'éloignait peu à peu de lui.

Puis Zelda était arrivée. Il avait d'abord cru que ce serait l'occasion de repartir du bon pied. Mais en fait non, sa femme n'avait jamais été une bonne mère. Elle ne supportait pas les cris du bébé. Et c'était Tony qui devait s'en occuper en rentrant du boulot. Puis elle s'était mise à sortir. D'abord avec des "copines". Elle avait besoin d'air, qu'elle disait. Et puis le reste.

Il ne lui en voulait pas vraiment. C'était de sa faute à lui, il n'avait pas su faire ce qu'il fallait. Il n'était qu'un raté. Ou ce n'était la faute à personne, qu'importe. Il était juste triste. Il aurait tant voulu croire à son rêve, que ça marche entre eux. C'est si facile de gâcher une vie.

Heureusement, il lui restait Zelda. Et il pensait à ce moment qui rachetait tout, à la petite qui se jetterai dans ses bras au moment où il franchirait la porte.

Mais ce matin là, il n'y avait personne qui l'attendait derrière la porte. Un silence lugubre régnait dans l'appartement.
Il pensait que peut-être la petite ne s'était pas réveillée. Il se doutait bien qu'elle regardait la télé tard le soir, mais vu les circonstances, il ne pouvait pas le lui reprocher.
Il s'est dirigé vers la petite chambre sur la pointe des pieds. Mais le lit était vide.
Il s'est mis à appeler la fillette "Zelda ! Zelda, où es-tu ? Montre-toi" d'une voix de plus en plus angoissée. En même temps, il fouillait l'appartement. En vain.

Il a pensé un instant que sa mère aurait pu l'emmener, mais non, la connaissant, il a vite écarté cette hypothèse.
La petite avait disparu. Elle s'était enfuie, ou pire, on l'avait enlevée, il en était sûr.

Il s'est précipité vers la porte pour aller chercher de l'aide, n'importe qui, et là, juste derrière la porte, il y avait ce grand type, vêtu d'une veste en cuir, de bottes de cuir et de gants en cuir. Le type s'est adressé à lui :

- Vous êtes Tony Strelli ?

- Quoi ! Qu'est-ce que vous me voulez ?

- Ne vous énervez pas et rentrez. J'ai votre fille.

A suivre...